J.O. 56 du 7 mars 2007
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Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi relative à la prévention de la délinquance
NOR : CSCL0710097X
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi relative à la prévention de la délinquance, adoptée le 22 février 2007.
Les recours mettent en cause les articles 8, 57, 58 et 60 de la loi. Ils appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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I. - Sur l'article 8
A. - L'article 8 de la loi déférée insère dans le code de l'action sociale et des familles un nouvel article L. 121-6-2 qui a pour objet de définir les conditions dans lesquelles un professionnel de l'action sociale peut partager des informations couvertes par le secret professionnel en vertu de l'article 226-13 du code pénal. Le professionnel de l'action sociale n'est pas tenu par ce secret envers le maire et le président du conseil général lorsqu'il constate que l'aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels. Les dispositions du nouvel article L. 121-6-2 fixent les modalités selon lesquelles un coordonnateur est désigné par le maire et précisent qu'il est soumis au secret professionnel. Elles prévoient également les conditions du partage des informations à caractère secret entre les professionnels qui interviennent auprès d'une même personne, en précisant notamment que le professionnel de l'action sociale est autorisé à révéler au maire et au président du conseil général les informations confidentielles qui sont strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences. Il est enfin prévu que, s'il apparaît qu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du code civil, le coordonnateur ou le professionnel intervenant seul en informe sans délai le président du conseil général et que le maire est informé de cette transmission.
Les députés et sénateurs requérants font valoir que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence, d'une part, en n'entourant pas de garanties suffisantes l'échange d'informations couvertes par le secret organisé par les nouvelles dispositions de l'article L. 121-6-1 du code de l'action sociale et des familles, de sorte que serait également méconnu le droit constitutionnellement garanti au respect de la vie privée, et, d'autre part, en s'abstenant de prévoir les conditions d'application des règles générales relatives au traitement de ces données à caractère personnel.
B. - Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
1. L'objet du nouvel article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles est de concilier le respect des secrets protégés par la loi avec l'intérêt général qui s'attache à l'amélioration du suivi des personnes en grande difficulté sociale, éducative ou matérielle.
Les dispositions critiquées ont pour objet d'améliorer l'efficacité de l'action sociale par la transmission au maire et au président du conseil général des informations nécessaires aux interventions sociales qui ont lieu sur le territoire de leur collectivité, dans des situations que les professionnels de l'action sociale considèrent eux-mêmes comme graves. Cette efficacité passe par un meilleur partage d'informations couvertes par le secret professionnel, dans des conditions étroitement définies par le législateur, pour assurer, dans l'intérêt des personnes et des familles, la cohérence des actions sociales dont elles bénéficient et la coordination d'interventions multiples.
Les dispositions adoptées par le législateur encadrent précisément les conditions dans lesquelles des informations couvertes par le secret professionnel peuvent être partagées entre certains intervenants. Répondant à des motifs d'intérêt général, elles ne portent pas atteinte au respect de la vie privée garanti par la Constitution.
On doit ainsi observer, en premier lieu, que les professionnels de l'action sociale ne sont déliés des obligations de secret qui pèsent sur eux qu'à l'égard d'autorités précisément identifiées, à savoir le maire et le président du conseil général. La dérogation au secret professionnel protégé à l'article 226-13 du code pénal, afin d'organiser un partage d'informations à caractère secret, est limitée à ces autorités qui ne sauraient en disposer à l'égard de tiers ; elle relève toujours de l'initiative et de l'appréciation des professionnels de l'action sociale ou du coordonnateur désigné parmi eux. La mise en commun d'informations couvertes par le secret se fait ainsi entre des personnes tenues par le secret à raison de leur profession. Les dispositions critiquées n'ont pas d'autre objet ou d'autre effet que d'organiser les conditions d'un secret partagé entre des personnes qui ne peuvent dévoiler à des tiers le contenu des informations en cause. Les dispositions critiquées confèrent ainsi une base légale à un secret partagé dans le domaine social, en s'inspirant de ce qui a été prévu, en matière médicale, par les dispositions de la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades.
On peut indiquer, aussi, que d'autres dispositions législatives permettent l'accès du maire à des informations couvertes par le secret professionnel. Ainsi, par exemple, en qualité de membre de la commission d'admission à l'aide sociale ou de président du conseil d'administration du CCAS, le maire a connaissance d'informations couvertes par le secret et est, à ce titre, tenu au respect de ce secret (cf. art. L. 133-5 du code de l'action sociale et des familles). De même, le maire peut être appelé à siéger au sein de la commission locale d'insertion et à connaître ainsi d'informations couvertes par le secret professionnel (cf. art. L. 262-34 du code de l'action sociale et des familles).
On doit relever, en deuxième lieu, que la loi a précisé les conditions dans lesquelles ces informations peuvent être partagées. Les dispositions critiquées énoncent expressément que le partage d'informations n'est possible que si l'aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels et pour les seules informations confidentielles qui sont strictement nécessaires à l'exercice de leurs compétences, sans que ces informations ne puissent être communiquées à des tiers sous peine des sanctions prévues à l'article 226-13 du code pénal.
On peut noter, en troisième lieu, que la loi a précisé que lorsqu'un coordonnateur est désigné pour assurer l'efficacité et la continuité de l'action sociale parmi les professionnels qui interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille, ce coordonnateur est soumis au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
Le Gouvernement considère ainsi que les dérogations aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal qui régissent la violation du secret professionnel instituées par les dispositions critiquées du nouvel article L. 121-6-1 du code de l'action sociale et des familles sont, à la fois, strictement encadrées et justifiées par des considérations éminentes d'intérêt général. Il estime, en conséquence, que le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence ni porté atteinte au droit constitutionnellement protégé au respect de la vie privée.
2. La critique fondée sur l'abstention du législateur à prévoir expressément les conditions d'application des règles relatives au traitement des données à caractère personnel apparaît vaine.
En effet, contrairement à ce qui est évoqué par les saisines, les dispositions de l'article 8 de la loi déférée n'ont ni pour objet ni pour effet d'instituer des traitements de données à caractère personnel. La critique est ainsi inopérante.
On peut d'ailleurs indiquer que si les informations recueillies à l'occasion de l'application des dispositions du nouvel article L. 121-6-2 du code de l'action sociale et des familles faisaient l'objet de traitements automatisés ou de traitements non automatisés ou si elles étaient contenues ou appelées à figurer dans des fichiers, ces traitements seraient de plein droit soumis au régime de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. C'est, au demeurant, ce qu'a relevé la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés dans sa délibération en date du 13 juin 2006.
Le Gouvernement estime ainsi que les différents griefs invoqués à l'encontre de l'article 8 de la loi déférée par les recours ne pourront qu'être écartés.
II. - Sur l'article 57
A. - L'article 57 de la loi déférée modifie les dispositions du III de l'article 10-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 pour prévoir qu'en matière correctionnelle l'un des cas dans lesquels les mineurs âgés de moins de seize ans peuvent être placés sous contrôle judiciaire est celui où la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à sept ans. Les dispositions critiquées précisent que, si le contrôle judiciaire comporte l'obligation de respecter les conditions d'un placement conformément au 2° du II dans un centre éducatif fermé, le non-respect de cette obligation pourra entraîner le placement du mineur en détention provisoire. Dans les autres cas, l'article 57 prévoit que le mineur est informé qu'en cas de non-respect des obligations lui ayant été imposées le contrôle judiciaire pourra être modifié pour prévoir son placement dans un centre éducatif fermé, placement dont le non-respect pourra entraîner sa mise en détention provisoire.
Les députés et sénateurs saisissants font valoir qu'en tant qu'il ouvre une possibilité de placement sous contrôle judiciaire et de mise en détention provisoire d'un mineur de moins de seize ans, sans condition tenant à son « passé pénal », l'article 57 serait contraire au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.
B. - Un tel grief n'est pas fondé.
En premier lieu, la loi déférée a pour objet de combler une lacune de la loi no 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice dont les dispositions ne permettent pas d'apporter une réponse appropriée aux cas de mineurs âgés de treize à seize ans ayant commis des faits d'une particulière gravité et susceptibles d'encourir à ce titre une peine supérieure à sept années d'emprisonnement. Cette situation a été regrettée par certains magistrats qui ne disposent pas de mesures adaptées à l'égard de mineurs ayant commis des faits particulièrement graves, pour lesquels une mesure strictement encadrée est nécessaire, tels que les mineurs poursuivis pour des faits d'agression sexuelle aggravée, punis de sept ans d'emprisonnement.
On doit souligner, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article 57 n'autorisent pas directement la mise en détention provisoire des mineurs de moins de seize ans. Le mécanisme institué par le législateur est gradué. Les obligations du contrôle judiciaire peuvent, d'abord, consister en l'interdiction de fréquenter certains lieux, ou encore le placement dans un foyer classique, décidé par le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention. L'irrespect de ces obligations peut, ensuite, conduire à ce que soit ordonné le placement de l'intéressé dans un centre éducatif fermé. Ce n'est, enfin, que si celui-ci ne se soumet pas aux obligations résultant de ce placement qu'il peut faire l'objet d'un placement en détention provisoire. Sur ce point, le dispositif est similaire à celui institué par la loi du 9 septembre 2002.
Il convient, en troisième lieu, de relever que l'article 57 de la loi déférée crée, par ailleurs, de nouvelles obligations spécialement adaptées aux mineurs s'agissant du contrôle judiciaire, en particulier celles d'accomplir un stage de formation civique et de suivre de façon régulière une scolarité ou une formation professionnelle jusqu'à sa majorité.
En fixant les règles critiquées relatives au droit pénal des mineurs, le législateur s'est ainsi borné à concilier les exigences constitutionnelles invoquées par les recours avec la nécessité de prévenir les atteintes à l'ordre public.
III. - Sur l'article 58
A. - L'article 58 de la loi déférée modifie l'article 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 pour substituer à la qualification de procédure de « jugement à délai rapproché » celle de procédure de « présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs ». Il prévoit que cette procédure s'applique aux mineurs qui encourent une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an, et non plus trois ans, en cas de flagrance, ou supérieure ou égale à trois ans, et non plus cinq ans, dans les autres cas. La disposition critiquée ajoute enfin un troisième alinéa au III de l'article 14-2 de l'ordonnance pour préciser qu'il est procédé au jugement du mineur à la première audience du tribunal pour enfants qui suit sa présentation, sans que le délai de dix jours lui soit applicable, lorsque le mineur et son avocat y consentent expressément, sauf si les représentants légaux du mineur, dûment convoqués, font connaître leur opposition.
Les parlementaires requérants soutiennent qu'en réduisant les seuils de peines encourues à partir desquels la procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs est désormais susceptible de s'appliquer, le législateur a méconnu les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs en rapprochant la procédure applicable aux mineurs de la procédure de comparution immédiate applicable aux majeurs.
B. - Cette argumentation ne peut qu'être écartée.
Le législateur, contrairement à ce qui est soutenu, a pris en compte les spécificités qui doivent s'attacher à la justice des mineurs, en prévoyant des mesures adaptées, prononcées par une juridiction spécialisée et selon une procédure appropriée. Il n'a, en particulier, pas rapproché la procédure incriminée de celle de comparution immédiate qui s'applique aux majeurs.
Les dispositions contestées n'ont, en premier lieu, pas pour objet de permettre le jugement immédiat du mineur concerné comme en matière de comparution immédiate mais d'éviter de devoir attendre au moins dix jours avant de pouvoir le juger à la suite de son défèrement si, dans ce délai de dix jours, intervient une audience du tribunal pour enfants.
La procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs prévoit, en deuxième lieu, l'intervention du tribunal pour enfants et, si le tribunal ne peut siéger le jour même, du juge pour enfants, juridiction spécialisée pour les mineurs, alors que la comparution immédiate se déroule devant le tribunal correctionnel et le juge des libertés et de la détention, juridiction de droit commun.
En troisième lieu, si le législateur a abaissé les seuils de peine qui rendent applicable la procédure de présentation immédiate devant la juridiction des mineurs, ils demeurent supérieurs à ceux qui s'appliquent en matière de comparution immédiate (six mois et deux ans).
La procédure en question est, en quatrième lieu, entourée des garanties propres à assurer le respect des exigences constitutionnelles invoquées par les parlementaires saisissants. Le mineur est présenté devant le procureur de la République en étant nécessairement assisté par un avocat, qui a accès au dossier et peut faire des observations, ce qui n'est pas le cas dans la procédure de comparution immédiate, le prévenu ne voyant son avocat qu'après sa présentation devant le parquet. L'audience de jugement n'est susceptible d'intervenir le jour même ou avant l'expiration d'un délai de dix jours que si le mineur et son avocat donnent tous les deux leur accord et que les parents du mineur ne s'y opposent pas, alors qu'en matière de comparution immédiate le jugement immédiat est possible si le prévenu l'accepte, sans que l'accord de son avocat ne soit exigé. L'accord de l'avocat et l'absence d'opposition des parents constituent ainsi une garantie essentielle. Si le jugement n'a pas lieu le jour même mais dans le délai de dix jours, la détention provisoire n'est possible pendant cet intervalle que si la peine encourue est d'au moins trois ans d'emprisonnement, conformément aux dispositions expresses de l'article 11 de l'ordonnance de 1945, alors qu'en matière de comparution immédiate elle est possible si la peine encourue est de six mois en flagrance et de deux ans dans les autres cas.
On doit, en dernier lieu, souligner que la procédure ne peut s'appliquer que si l'affaire est en état d'être jugée, alors que demeure obligatoire le recueil de renseignements sur la personnalité du mineur accompli à l'occasion d'une procédure antérieure de moins de douze mois. La spécificité du droit pénal des mineurs qui exige que soit prise en considération, de façon particulière, la personnalité du mineur, est ainsi respectée. Par ailleurs, les règles procédurales devant le procureur de la République et le tribunal pour enfants demeurent inchangées.
Il résulte de ce qui précède que l'article 58 de la loi déférée ne méconnaît pas les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs.
IV. - Sur l'article 60
A. - L'article 60 de la loi déférée modifie le deuxième alinéa de l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, qui pose à son premier alinéa le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale pour les mineurs dont la conséquence essentielle, qualifiée d'« excuse de minorité », est de diminuer de moitié la peine privative de liberté encourue, mais autorise de déroger à ce principe pour les mineurs âgés de plus de seize ans. Selon la nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article 20-2 issue de l'article 60, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs pourront décider qu'il n'y a pas lieu de faire application du premier alinéa, soit compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur, soit parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne et qu'ils ont été commis en état de récidive légale. La décision prise par le tribunal pour enfants devra, ainsi que le précise le nouvel article 20-2, être spécialement motivée sauf si elle est justifiée par l'état de récidive légale.
Les auteurs des recours font valoir que ces dispositions porteraient atteinte à la garantie que constitue la motivation d'un jugement, en cas de récidive légale, et méconnaîtraient ainsi les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs.
B. - Un tel moyen n'est pas fondé.
1. Il faut, d'abord, restituer leur exacte portée aux dispositions critiquées.
L'« excuse de minorité » demeure le principe, applicable aux mineurs de seize à dix-huit ans, conformément aux exigences constitutionnelles. Seule une décision spéciale, dont le caractère est facultatif, peut écarter cette excuse de minorité.
Les seules modifications apportées par la loi déférée au droit existant portent, d'une part, sur l'énumération des raisons pouvant justifier la décision de la juridiction des mineurs d'écarter l'excuse de minorité : outre l'hypothèse traditionnelle et générale liée aux circonstances de l'espèce et à la personnalité du mineur, le législateur envisage expressément une deuxième hypothèse, celle, très précisément définie, du mineur condamné pour des faits d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne commis en récidive légale. L'article 60 dispense, d'autre part, le tribunal pour enfants de l'exigence d'une motivation spéciale lorsque la décision d'écarter l'excuse de minorité est justifiée par l'état de récidive et, plus précisément, comme cela résulte clairement des débats parlementaires (cf. en particulier sur ce point le rapport no 3674 rédigé pour la commission des lois de l'Assemblée nationale), par l'état de récidive concernant une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne.
L'application des nouvelles dispositions sur l'absence de motivation suppose, par suite, que :
- le mineur ait commis entre seize et dix-huit ans soit des délits de violences volontaires punis de trois à dix ans d'emprisonnement par les articles 222-9 à 222-13 du code pénal, soit des délits d'agressions sexuelles, punis de cinq ans à dix ans d'emprisonnement par les articles 222-27 à 222-30 du même code ;
- ces faits aient été commis en récidive légale, ce qui signifie qu'avant la commission de ces nouveaux faits le mineur avait non seulement déjà commis, mais avait déjà été définitivement condamné, pour des infractions identiques ou plus graves (par exemple pour un viol ou pour des violences de nature criminelle) ;
- les peines maximum encourues soient comprises entre six ans et vingt ans d'emprisonnement.
2. Les modifications introduites par la loi déférée en matière de motivation sont pleinement justifiées au regard des principes constitutionnels propres à la justice des mineurs.
En effet, si la première hypothèse prévue par l'article 20-2 susceptible d'écarter l'excuse de minorité est générale et rend nécessaire une motivation spécifique afin d'assurer le respect du principe d'individualisation de la peine et l'exigence d'une procédure appropriée s'agissant de mineurs, la seconde hypothèse désormais expressément envisagée par l'article 20-2 correspond, en revanche, à des situations strictement déterminées par le législateur et mettent en évidence la particulière dangerosité du mineur concerné.
L'état de récidive s'agissant d'infractions particulièrement graves constitue, en soi, un motif de nature à justifier que le mineur puisse être exclu du bénéfice de la diminution de peine. Il en résulte que le tribunal, dont la décision fera déjà nécessairement mention de la nature des faits reprochés et de l'état de récidive, peut être dispensé de répéter ces éléments de fait pour justifier d'écarter l'excuse de minorité s'il l'estime nécessaire.
On doit ajouter que l'absence de motivation spéciale sur ce point précis ne remet pas en cause l'exigence de motivation spéciale en cas de prononcé d'une peine d'emprisonnement (ferme ou avec sursis, ou partiellement assorti du sursis) qui résulte du troisième alinéa, inchangé, de l'article 2 de l'ordonnance de 1945. Cet alinéa dispose en effet que « le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d'emprisonnement avec ou sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ».
Ainsi, par exemple, un tribunal pour enfants qui condamne un mineur de dix-sept ans ayant commis une agression sexuelle avec arme, punie de sept ans d'emprisonnement par le 5° de l'article 222-8 du code pénal, après avoir été déjà condamné pour avoir commis à seize ans des faits similaires ou plus graves, comme un viol, pourra prononcer une peine supérieure à sept ans d'emprisonnement, donc supérieure à la moitié de la peine encourue, qui est de quatorze ans du fait de la récidive, par exemple une peine de huit ans d'emprisonnement dont quatre ans avec mise à l'épreuve, tout en justifiant spécialement le choix de cette peine mixte conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance de 1945, et en indiquant par ailleurs qu'il a décidé de ne pas retenir l'excuse de minorité, mais sans devoir motiver spécialement sur ce point sa décision.
Le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l'âge est, dans ces conditions, préservé, et le législateur s'est borné à dispenser le tribunal pour enfants de l'exigence d'une motivation spéciale dans des hypothèses limitées et justifiées par la prise en considération de la particulière gravité des infractions en cause et de la circonstance aggravante que constitue la récidive.
Il s'ensuit que les dispositions critiquées ne sont contraires à aucune exigence constitutionnelle.
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Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis qu'aucun des griefs articulés par les députés et sénateurs requérants n'est de nature à conduire à la censure des dispositions critiquées de la loi relative à la prévention de la délinquance. Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.